Comment éviter les dégâts des monilioses sur fleurs ?

Les monilioses sur fleur d’abricotiers peuvent être à l’origine de perte atteignant 80% de la production. La plupart des variétés plantées dans les vergers biologiques sont sensibles aux monilioses, et l’efficacité des méthodes de protection directe se révèle parfois limitée. Le Grab s’investit sur cette thématique depuis plus de 15 ans pour répondre aux besoins des producteurs.

Comprendre la biologie et l’épidémiologie de cette maladie est important pour faire les bons choix au verger. Ce champignon pathogène contamine les vergers à la floraison, surtout en cas de temps pluvieux et froid. Dans les régions fruitières, des contaminations entre parcelles sont possibles.

Que faire alors pour éviter les dégâts ? À la plantation, privilégier une variété peu sensible : une synthèse de résultats expérimentaux de la sensibilité aux monilioses permet d’éclairer les producteurs parmi les variétés disponibles. En complément des méthodes classiques de lutte phytosanitaire directe (non développées ici), deux méthodes innovantes présentent des résultats encourageants : l’utilisation de bâches anti-pluie et l’éclaircissage à la fleur.

Par Claude-Eric Parveaud – Décembre 2022


Biologie et épidémiologie des monilioses

Les monilioses en fruits à noyaux

Les monilioses sont principalement causées par trois champignons pathogènes : Monilinia laxa, Monilinia fructicola et Monilinia fructigena. Sous leur forme asexuée, sous laquelle on les rencontre le plus souvent en verger, leur nom de genre est Monilia.

M.laxa est très répandu dans toutes les zones de production fruitière ; il est responsable de nécroses sur les fleurs, les rameaux et les fruits sur de nombreuses plantes hôtes.

M.fructicola est observé sur les fruits à noyau, tels que l’abricotier et le pêcher. Il s’attaque également aux fleurs, aux rameaux et aux fruits. Présent en France depuis 2001, il a été considéré comme organisme de quarantaine en Europe, puis retiré de la liste en 2014 car s’étant largement répandu. La phase sexuée de ce champignon a favorisé le développement de résistance à certains fongicides chimiques (benzimidazoles).

M.fructigena est répandu sur plusieurs continents et entraine des dégâts sur les fruits à pépins et les fruits à noyaux. Il n’a pas été observé sur fleurs d’abricotiers à ce jour.

 

Rameau d’abricotier nécrosé par les monilioses. Source : CE Parveaud.

Quelles espèces de Monilia sont présentes sur les fleurs d’abricotier ?

Les travaux portant sur l’identification des monilioses en verger d’abricotier sont assez peu nombreux. Même pour les spécialistes, il reste délicat de les identifier en verger. Une culture sur boite de Pétri – voire une identification moléculaire – est souvent nécessaire, surtout si plusieurs espèces sont présentes simultanément sur le même organe.

Les symptômes des monilioses peuvent être confondus avec ceux du chancre à Pseudomonas. Les symptômes de monilioses commencent à l’extrémité des branches, alors que ceux du chancre commencent généralement à la base des branches. Le chancre s’exprime plus souvent sur des arbres isolés, alors que les contaminations par les monilioses sont généralement plus étendues en verger.

Des observations de fleurs et de rameaux nécrosés ont été réalisées en 2017 sur un réseau de parcelles d’abricotiers situées en Drôme et en Ardèche, sur des arbres non traités. Parmi les 15 parcelles suivis, la présence de M. laxa sur fleur a été observée sur 14 parcelles, et celle de M. fructicola a été observée sur 5 parcelles. Lorsque M. fructicola était présent, celui-ci était minoritaire (dans 4 cas sur 5) par rapport à M. laxa. Sur rameau, M. laxa a été identifié sur toutes les parcelles du réseau, et M. fructicola a été identifié sur 5 parcelles. La présence de M. fructicola sur fleur ne se traduisait pas nécessairement par sa présence sur rameau, et inversement. La présence de M. fructigena n’a pas été observé sur fleurs et rameaux.

Dans l’état actuel des connaissances, la protection contre les monilioses ne prend pas en considération les espèces de monilioses présentent au verger. Dans un contexte de changement climatique, il serait intéressant de mieux connaitre l’épidémiologie des espèces présentes, afin de mieux anticiper leur développement possible.

Identification de Monilia laxa et Monilia fructicola en boite de Pétri. Source : CE Parveaud.

Quels sont les stades phénologiques sensibles ?

Les premiers travaux indiquent que les fleurs d’abricotiers peuvent être contaminées du stade B au stade G. Des travaux récents ont toutefois permis de préciser les stades phénologiques sensibles, c’est-à-dire les stades où l’infection est possible, si les conditions climatiques sont favorables. Dans le cadre du projet ClimArbo, des travaux menés par l’UERI de Gotheron (INRAE) ont permis montrer que les contaminations interviennent essentiellement au stade F (pleine floraison)Lorsque le risque de contamination est élevé, c’est-à-dire avec plus de 50% des fleurs contaminées au stade F, des contaminations au stade D « bouton blanc » sont observées. En revanche, aucune contamination au stade C n’a été observée dans cette étude. Par ailleurs, des observations complémentaires suggèrent que les fleurs au stade G « chute des pétales » ne sont pas sensibles aux contaminations, ou alors le pétale contaminé chute avant que le champignon n’ait atteint les autres organes.

Le stade F « fleur ouverte » est le plus sensible aux contaminations par les monilioses. Source : CE Parveaud

Le pétale, porte d’entrée de la moniliose sur fleur

Il a également été démontré que les pétales des fleurs d’abricotiers sont une porte d’entrée possible de M. laxa. En effet, lorsque les pétales sont retirés expérimentalement après une exposition à la pluie, le pourcentage de rameaux diminue fortement. Une fois que le champignon a pénétré dans les tissus de la plante, il sporule et recouvre les organes de coussinets grisâtres. En 3 à 6 jours, le dessèchement des étamines apparaît et des nécroses peuvent être observées sur le pistil, les sépales et les pétales. Les nécroses peuvent ensuite se développer sur les rameaux.

Développement de coussinets gris de Monilia laxa sur une fleur d’abricotier nécrosée. Source : CE Parveaud

Le risque de contamination dépendant de la température et des précipitations

L’intensité des dégâts dépend fortement des conditions climatiques. Un climat chaud et sec durant la floraison va engendrer une courte phase d’infection et des risques de contaminations limités. En revanche, des conditions climatiques froides et pluvieuses allongent la durée de floraison et augmentent les risques de contamination.

Dans le cadre du projet ClimArbo, des observations ont été réalisées sur un réseau de 16 parcelles non traitées  et sur des arbres en pots exposés aux contaminations en vergers sur de courtes périodes. Ces observations ont permis de préciser le rôle des facteurs climatiques : la température et la pluviométrie sont les deux variables climatiques qui expliquent le mieux les dégâts de monilioses. En effet, le modèle de risque basé sur les précipitations et la température moyenne journalière permet d’expliquer 94% de la variabilité des dégâts observés.

Modélisation du pourcentage de fleurs contaminées par les monilioses en fonction de la pluviométrie et la température. Source : Tresson, 2018.

Le paysage influence-t-il le niveau de dégât ?

Les spores de Monilia sp. constituent l’inoculum primaire permettant d’infecter les fleurs. Ces spores sont transportées par les insectes, le vent et les précipitations.

Afin de vérifier si le niveau de dégâts dans une parcelle donnée peut être expliqué par la proportion de parcelles d’abricotiers avoisinants, plusieurs modèles ont été testés sur le jeu de données du projet ClimArbo. La proportion d’abricotiers autour des 14 parcelles a été quantifié par des outils de cartographie. L’analyse du jeu de données des 3 années, réalisée par le Grab, a permis de mettre en évidence, pour la première fois, un effet significatif de la proportion de parcelles d’abricotiers dans un rayon de 1000 m sur les dégâts causés par les Monilioses.  Ces résultats montrent que la prise en compte de facteurs paysagers améliore l’estimation du niveau de dégâts de monilioses en verger.

L’environnement d’une parcelle, et notamment la présence d’autres vergers d’abricotiers, peut donc constituer une source d’inoculum primaire extérieur à la parcelle.

Cartographie des parcelles d’abricotiers autour d’une des parcelles du réseau de parcelles ClimArbo. Source : Jacquot et al., 2020.

Techniques alternatives de gestion des monilioses

Sensibilité variétale aux monilioses

Le choix de variétés peu sensibles aux monilioses diminue le risque de dommages économiques et limite le recours à des produits phytosanitaires. Privilégier un choix de variétés permettant un échelonnement des dates de floraison permet de limiter les risques d’une année sans récolte.

Le tableau ci-dessous indique la sensibilité variétale aux monilioses de 44 variétés d’abricotiers :

Niveau de sensibilité : **** élevé ; *** moyen ; ** faible, * très faible, source : synthèse de travaux expérimentaux du GRAB, INRAE, SEFRA, CTIFL et FiBL

Deux pistes de contrôle des monilioses en cours d’évaluation

L’utilisation de bâches anti-pluie est en cours d’évaluation dans plusieurs dispositifs expérimentaux. Sur le site de Gotheron (26), les résultats des deux premières années du projet Ecophyto MIRAD montrent que les bâches permettent de réduire le niveau de dégâts à un niveau équivalent ou inférieur à la modalité de référence (avec une protection à base de cuivre ou polysulfure de calcium).

Exemple de bâches anti-pluie en verger d’abricotier (dispositif CAP Red). Source : L. Brun (INRAE)

Parmi les pistes testées par l’INRAE, l’éclaircissage à la fleur (avec une brosse rotative Electro’flor) et la chute des pétales (avec une effeuilleuse) ont donné des résultats prometteurs. En effet, l’éclaircissage à la fleur a réduit de 81% le nombre de rameaux moniliés sur les cinq variétés évaluées, pour une diminution de la charge en fleur de 69%. La chute des pétales a permis une réduction des monilioses comprises entre 38% et 63% pour trois variétés sur les cinq variétés évaluées. Les expérimentations seront poursuivies afin de confirmer les résultats et préciser les conditions d’application (port des arbres, risque de gel printanier).


Pour en savoir plus

Remerciements

La rédaction de cet article a été financée dans la cadre de l’action PRDAR de la Région Auvergne-Rhône-Alpes soutenue par le CASDAR géré par Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire. La responsabilité du ministère en charge de l’agriculture ne saurait être engagée.