PROJET PerSyst

Pérennité des systèmes de cultures en maraîchage diversifié biologique

Années : 2019 – 2024

Thématiques : Fertilité et entretien du sol

Productions : Maraîchage

Présentation

En maraîchage bio diversifié, les interventions au niveau du sol sont fréquentes pour gérer les adventices et ravageurs. Ces tâches répétitives, induisant une charge mentale non négligeable, confèrent à ces systèmes un niveau de pénibilité élevé pour les maraichers. Aussi, ces derniers sont en recherche d’alternatives pour produire de légumes bio en plein champ limitant le travail du sol et misant sur la fertilité des sols.

Le projet PerSyst, porté par la FRAB Bretagne, vise à améliorer la pérennité des systèmes maraîchers bio en concevant et testant des systèmes de cultures dans le but d’améliorer la fertilité du sol, de maîtriser la charge et la pénibilité du travail et de tendre vers l’autonomie en intrants.

Mars 2025,

Par Andrea Adamko, Grab, Clémentine Fayol, Frab Bretagne, et Laetitia Fourrié, Grab.


Le dispositif expérimental de PERSYST

Après une traque aux innovations sur la pérennisation des systèmes, deux approches complémentaires impliquant des maraichers ont été déployées dans le projet pendant 4 années (2020-2023).

D’une part, un réseau d’essai a été construit dans l’Ouest de la France sur dix fermes (Bretagne, Loire-Atlantique et Vendée). L’objectif pour les maraîchers participants est d’introduire une combinaison de leviers innovants dans le but de répondre aux trois objectifs du projet et à des objectifs qui leur sont propres (réduire le temps de travail, éviter les pics d’activité, augmenter la matière organique du sol…). L’impact de ces leviers sur la fertilité du sol, les aspects socio-économiques et la santé des plantes ont été évalués.

D’autre part, une expérimentation a été réalisée sur la plateforme d’expérimentation Awen Bio, à Morlaix (29). Ici, deux systèmes de culture innovants et un système témoin ont été co-construits par l’équipe du projet, incluant les maraîchers impliqués. Ces systèmes sont basés sur une rotation de cinq cultures de légumes plein champ et sur cinq ans :

CAROTTE > CHOU > POMME DE TERRE > COURGE > OIGNON.

Tous les termes de la rotation son présents chaque année, ce qui permet des 4 répétions temporelles pour chacune des cultures.

Ces deux systèmes innovants ont été mis en place sur la plateforme Awen Bio, ainsi qu’un système témoin :

  • Système de culture expérimental 1 (SdC1) : caractérisé par un travail du sol réduit (pas de labour, ni d’outils animés) et un objectif d’autonomie en fertilisation par la maximisation des engrais verts et par l’apport d’herbe en amendement. L’IFT (Indicateur de Fréquence de Traitements) est le plus limité possible.
  • Système de culture expérimental 2 (SdC2) : caractérisé par zéro travail du sol. Un apport massif de matières organiques carbonées est réalisé en année 1, permettant d’activer la fertilité du sol. L’objectif visé est une auto fertilisation maximale. Bien qu’en non travail strict du sol, il doit permettre la maîtrise des adventices. L’IFT est le plus limité possible.
  • Système de culture de référence (SdCRef) : représentatif des pratiques des fermes légumières en circuit long de la régiondu secteur. Caractérisé par des labours systématiques à 25-30 cm et utilisation d’outils à dents et outils rotatifs, et des apports de matière organique (20 t/ha de fumier de bovin avant implantation).
  •  le système « non travail du sol » a pour finalité de favoriser l’activité biologique du sol par des apports carbonés massifs.

Un comité de pilotage a analysé chaque année les résultats de ces trois systèmes et, le cas échéant, proposé des améliorations dans la conduite des cultures.

Dispositif expérimental sur la plateforme Awen Bio, avec 15 micro-parcelles. Les 5 légumes de la rotation sont présents chaque année sur chaque système évalué. Les systèmes de culture sont randomisés.

Tous les systèmes comportent des couverts végétaux, mais les deux systèmes innovants proposent d’intensifier cette pratique, avec le semis de mélanges complexes, des plantations dans couverts ou des semis de couverts dans les cultures en place par exemple.

Comme pour les essais sur ferme, des mesures ont été faites sur la fertilité du sol, les rendements, les données socio-économiques (temps de travail, satisfaction du « pilote » du système) et la gestion des bioagresseurs (pression, consommation de produits phytopharmaceutiques et de biocontrôle).

4 ans de suivi sur la plateforme expérimentale Awen Bio

Les itinéraires élaborés en collaboration avec les producteurs engagés dans le projet Persyst et mis en oeuvre sur la plateforme d’expérimentation AwenBio ont démontré des intérêts divers et variés, avec des points de vigilance dans leur application. Ces systèmes innovants intègrent des techniques avec plus de risques que ce qu’un producteur ou une productrice peut se permettre sur sur une ferme maraîchère.

La fertilité des sols augmente dans les 3 systèmes

Au bout de quatre ans de conduite des cultures dans les différents systèmes de travail du sol, et de façon plus marquée sur le système « Zéro travail du sol », la fertilité du sol est améliorée. Cette évolution favorable concerne tous les indicateurs de fertilité du sol : biologique (matière organique et biomasse microbienne), chimique (P, K, Mg et Ca) et physique (stabilité structurale). On observe néanmoins des signes de tassements en profondeur à terme sur les deux systèmes alternatifs.

Des rendements affectés par les nouveaux itinéraires techniques

Néanmoins, sur certaines cultures, le rendement n’est pas en rapport avec le potentiel attendu. Le système innovant Zéro travail du sol est loin derrière les deux autres systèmes malgré le potentiel du sol.

Ces écarts de rendement observés s’expliquent par un manque de maîtrise dans la conduite des cultures dans ces nouveaux systèmes expérimentés (ceci devrait s’estomper avec le recul) d’une part, et d’autres facteurs comme le climat, les bioagresseurs, etc. Pour la pomme de terre ou l’oignon, des pistes d’optimisation de l’itinéraire technique sont identifiées car des écarts considérables de températures du sol ont été constatés entre les modalités.

Des écarts de levée de la pomme de terre dans le système 0 travail du sol, dus à des écarts de température du sol

 

Des systèmes alternatifs prometteurs mais pas encore optimisés

Au niveau du temps de travail total, il n’y a pas de différence significative entre les systèmes, c’est la répartition entre les tâches qui change. Quant à la satisfaction, le système de référence et le système de travail réduit restent les plus satisfaisants

Note de satisfaction moyenne (2020-2023) pour les 3 systèmes expérimentés sur Awen Bio

Retour d’expérience d’un maraîcher

Les maraîchers ayant testé le levier non travail du sol ou travail du sol très limité constatent une amélioration de leurs conditions de travail et un maintien de leurs rendements historiques comme en témoigne Germain Mahéo (ferme du Hingair, 56).

Germain a mis en place un essai sous abris en amont duquel il a arrêté complètement le travail du sol dès l’été 2019. L’autre pratique mobilisée est la fertilisation des légumes par de l’enrubannage de luzerne, issu d’une luzernière de 0,8 ha. Ses objectifs sont de diminuer le temps de travail, d’augmenter la teneur en matière organique et d’améliorer la structure de son sol, de tendre vers l’autonomie en fertilisants et de maîtriser le Sclerotinia. A l’issue du projet, il continue d’explorer des pistes d’amélioration pour son système.

« De façon empirique, je peux dire que j’ai atteint mes objectifs quant à la structure du sol : il est plus poreux, l’activité biologique est accrue, avec des lombrics en plus grand nombre. J’ai observé une meilleure rétention en eau. Sur tomate, à rendement équivalent, je suis passé de 7 L en goutte à goutte par semaine et par plant à 6 L . Je réfléchis mon irrigation afin d’avoir une hygrométrie le plus stable possible afin de soutenir l’activité biologique.

Sur la teneur en matière organique par contre, la dose de luzerne apportée (2 fois 20 t de MS) permet seulement un maintien de cette teneur. J’apporte du compost (60 t) et de la paille pour continuer à faire croître la matière organique. J’estime le coût à 15€ de fertilisant et amendements par planche et par an.

Niveau temps de travail, toutes les interventions sont plus rapides, en dehors des plantations, qui se font dans un sol moins souple et dans une épaisse couche de paille. Pour pallier cela, je vais tenter de conduire les tomates sur 2 brins. En plus, comme on n’a pas de passage d’outils, on est plus souple par rapport aux conditions météo. La gestion d’une luzernière est en revanche assez chronophage avec 3 coupes par an, assurée par une ETA, mais comme je ne suis pas prioritaire avec mes 0.8ha, je n’ai pas toujours un stade de coupe optimal. Les balles d’ensilage ne peuvent pas être déplacées et cela nécessite de les défaire et épandre manuellement.

Comme il n’y a plus de travail du sol mécanique, la minéralisation repose uniquement sur l’activité biologique du sol. Je pratique des plantations tardives sur la plupart des légumes d’été (hors courgette). Pour le poivron, c’est un peu difficile, je vais revoir l’utilisation des paillages pour favoriser le réchauffement du sol.

Concernant les bioagresseurs, je n’ai plus du tout eu de Sclerotinia dès la première année. Le mildiou terrestre sur tomate a aussi régressé. L’oïdium se déclare plus tardivement sur les courgettes. Mon hypothèse est que les moindres oscillations sur l’hygrométrie et la température du sol permettent de limiter la pression sur les maladies aériennes. Par contre, il faut être vigilent sur les limaces. La pression s’est peu à peu équilibrée au bout de 5 ans, mais c’est une transition assez longue.

Mes conseils pour les personnes qui voudraient tenter le non travail du sol seraient de bien prendre en compte l’historique de son sol, sa texture, sa teneur en matière organique. Le passage au non travail du sol nécessite d’emblée une bonne structure pour éviter la compaction, surtout sous serre. La transition avec un couvert n’y est pas possible. Mon sol est sablo-limoneux à dominance sableuse alors il se prête bien à cette pratique. Il faut d’abord s’essayer sur des cultures faciles, implantées à partir de mai, et avancé les dates par la suite seulement si ça fonctionne. La culture sur butte est alors une bonne option pour les légumes primeurs. »

Objectifs

  • Améliorer la structure du sol
  • Limiter les interventions de travail du sol en profondeur et l’utilisation d’outils animés
  • Viser un système « autofertile » (couverts végétaux, matière azotée végétale fraiche), sans apport de matière organique animale
  • Intégration de couverts végétaux autant que possible
  • Mettre en place une fertilisation répondant aux besoins des plantes
  • Favoriser l’activité biologique par l’apport de matière organique carbonée
  • Améliorer la compétition d’adventice par des paillages
  • Limiter l’utilisation de produits phytosanitaires par une meilleure fertilité du sol
  • Réduire la pénibilité du travail

En savoir plus :

Partenaires

  • FRAB
  • GAB 22
  • GAB 29
  • Agribio 35
  • GAB 44
  • GAB 56
  • INRAE

Financeurs