FERMOSCOPIE Diversifier sa production fruitière pour s’adapter au changement climatique

Retour d’expérience d’une ferme drômoise

Diversifier ses productions ouvre un éventail de nouvelles questions : quelles variétés ? quels bénéfices ? quels risques ? quels débouchés ? La ferme d’Yves Gelus, arboriculteur et viticulteur à Bren dans la Drôme a déjà franchi le pas. Une visite de ses vergers a été réalisée en juin 2024, dans le cadre du projet régional PEPIGRAMETTE.

Par Chloé Campus, Cécile Perez, Claude-Eric Parveaud, Laetitia Fourrié. Octobre 2024

Une diversification progressive de la production fruitière

La production de noisettes et amandes a été introduite dès 2008, avec un objectif en vente directe pour compléter celle des noix, présentes sur la ferme depuis 1992.

En 2012, la production de noix en agriculture biologique devient délicate, en raison de dégâts de Colletotrichum de plus en plus fréquents, notamment sur la variété Lara. Les années qui suivent concrétisent bien le changement climatique : des fortes variations des températures et précipitations d’une année sur l’autre, et/ou au cours d’une année.

Ce contexte a incité Yves et sa compagne à explorer de nouvelles pistes pour leur ferme de 28 ha :

  • diversifier les espèces produites, pour ne pas « mettre tous ces œufs dans le même panier »
  • favoriser / maintenir des sols vivants, par l’utilisation de couverts
  • conserver les haies, pour protéger les habitats naturels
  • planter en petits blocs, pour favoriser la biodiversité et gestion optimale de l’espace
  • être en vente directe, pour mieux valoriser les productions
  • favoriser l’autonomie globale de la ferme, pour, entre autre, limiter les charges qui peuvent peser sur une exploitation.

En 2020, le grenadier est implanté avec diverses variétés comme Wonderful (Etats-Unis), Ermione (Grèce), cco (Israël) et Provence (France), ainsi que du raisin de table. Les grenadiers, avec leur floraison très tardive en juin, sont peu sensibles aux gels printaniers, peu sensibles aux maladies et ravageurs, ce qui en fait un atout précieux pour la région.

En 2021, 200 plants de pistachiers de la variété Kerman et Peters (polinisateurs) sont plantés en racine nue. Malheureusement, le taux de reprise est de 10%… Un arboriculteur voisin a planté 3 ha des variétés Larnaca et Siroa et observé une très bonne reprise. Sur certaines parcelles de pistachiers plantées dans la région de Valréas, la production de pistache est quasi-nulle … ce qui pourrait être expliqué par des problèmes de pollinisation.

En 2023, Yves Gelus introduit les agrumes, famille comportant de nombreuses variétés, dont certaines sont très rustiques. Son choix s’est porté sur la variété Owari de la famille des mandarines Satsuma, connue pour sa résistance au froid (jusqu’à -10°C) et sa précocité, permettant de le ramasser au début de l’hiver. La reprise des plants a été très bonne bien qu’ils aient un peu défeuillé après plantation. Les gels de l’hiver 2023-2024 ont tout de même entrainé 10% de perte : les greffons sont morts mais les porte-greffes FA5, tolérants au calcaire, sont encore vivants). Les agrumes chlorosent facilement, le choix du porte-greffe est donc important !

Focus sur le Grenadier

  • Variétés et qualités : La grenade Provence, rustique jusqu’à -15°C, se distingue par sa floraison tardive. En revanche, elle est plein d’épines.
  • Maladies et ravageurs : Pas de maladies observées, à l’exception d’un vers du bois facilement maîtrisable par une taille sévère. En 2023, toutes les fleurs sont tombées quelle que soit la variété. Cette chute pourrait être liée à des pluies abondantes pendant la floraison.
  • Commercialisation : La production est exclusivement vendue à la coopérative lyonnaise Alter’Conso en fruit de bouche. La production de jus, moins rentable, nécessite trois kilos de fruits pour un litre de jus.
Floraison de la variété de grenadier Acco. Photo : C. Perez (Grab)

Focus sur l’amandier

Plantation et Conduite : Depuis 2011, 50 arbres de Ferragnès, pollinisés par Lauranne, sont cultivés avec une irrigation ponctuelle. Les arbres ne sont pas taillés et aucun traitement phytosanitaire n’a été réalisé depuis plusieurs années. L’irrigation peut s’avérer utile avant récolte, pour favoriser la séparation l’écale (« la peau ») et la coque, s’il ne pleut pas avant récolte.

Récolte : La récolte est manuelle, avec un séchage sur l’arbre suivi de la récolte au sol. Les amandes sont triées et décortiquées avec des équipements spécialisés.

Couverts végétaux : Les couverts végétaux sur le rang sont spontanés. Ils ne sont pas broyés, ils sont couchés au rouleau avant récolte. La méthode Merci qui permet d’estimer les restitutions d’un couvert, sera mise en œuvre en 2024.

Commercialisation : Les amandes, vendues après égovage, sont destinées à être consommées en fruits de table ou transformées selon leur calibre. Le stockage à basse température est recommandé pour éviter les attaques de mites.

Amandiers variété Ferragnès. Photo : CE Parveaud (Grab)

Remerciements

Le projet PEPIGRAMETTE est soutenu financièrement par la Région Auvergne-Rhône-Alpes dans le cadre d’une action PEPIT. La visite de parcelles a été réalisée dans la cadre de l’action PRDAR soutenue par le CASDAR du Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire. La responsabilité du ministère chargé de l’agriculture ne saurait être engagée.